Par ces temps difficiles pour l’opposition légalisée et en exil de Guinée équatoriale à propos d’une élection présidentielle anticipée au 24 avril, prenant de court l’ensemble des partis politiques, il conviendrait de mieux comprendre les forces qui sont en jeu et s’expriment à l’extérieur de ce pays. En effet, quelques confusions refont régulièrement surfaces et ne permettent pas toujours de saisir les différentes perspectives.
Hier, le 17 mars 2016, Monsieur Salomon Abeso a été interviewé par la chaine TV5Monde [1]. Il a été annoncé par la journaliste comme « LE » représentant des opposants en exil de la coalition pour la restauration d’un état démocratique, acronyme : CORED.
Est-ce que Monsieur Salomon Abeso peut se prévaloir d’être le représentant unique de l’opposition en exil ? La question se pose, dans la mesure où d’autres personnes lui dénient ce titre. Pour répondre à cette question et éclaircir les positions respectives, nous devons reprendre la chronologie au sujet de l’histoire de la CORED.
Cette coalition fut créée à la fin de l’année 2013, on retrouve son officialisation dans certains articles de médias comme celui de ASSO-FRANGE, diffusé le 4 janvier 2014 [2]. Cette plate-forme de coalition regroupait alors 13 partis ou associations en exil de différents pays, le secrétaire exécutif étant Monsieur Raimundo Ela Nsang du MRD. Monsieur Salomon Abeso en faisait bien parti au nom du CIGE.
Très vite, début du mois de mai 2014, un différend va éclater au grand jour, le secrétaire exécutif, Monsieur Raimundo Ela Nsang, avec l’accord et le vote des autres membres de la coalition, exclut trois membres : Nieves Jahr Nchama, Filiberto Ntutumu Mabale Andem et Salomon Abeso Ndong. La cause invoquée est un sérieux soupçon de connivence avec le pouvoir et une « infiltration » à ce titre de la coalition.
La réponse des intéressés ne se fait pas attendre, le 9 mai 2014 à 15h, ces trois personnes créent une nouvelle coalition, l’annonce est aussitôt médiatisée [3], dénonçant la position du secrétaire exécutif de la CORED comme étant autoritaire, cause véritable, d’après eux, de leurs départs. Malgré les avertissements du secrétaire exécutif, ils choisissent de baptiser cette nouvelle coalition du même nom et nomment Nieves Jahr Nchama secrétaire générale. Nous verrons, dans le même temps, l’appui officiel à cette coalition de l’opposant historique Monsieur Severo Moto. A partir de cette date, la confusion sera toujours de mise au sujet des publications de l’une ou l’autre de ces coalitions qui portent le même nom, si ce n’est une nuance pour la nouvelle qui ajoutera : « coalition CORED ».
Autre rebondissement dans la nouvelle coalition, Madame Nieves Jahr Nchama est exclue. Après un parcours personnel hors de ces deux coalitions, nous la retrouvons au cours de l’année 2015 à … Malado où elle finit par prêter allégeance au pouvoir et se trouve même décorée par le Président Obiang en se voyant attribuer un poste officiel [4]. Ce « grand écart » entre une position d’opposante en exil et son intégration dans les arcanes du pouvoir, vient donc conforter les soupçons de connivence avec ce pouvoir qui avait conduit à son exclusion.
Pendant ce temps, la CORED initiale, de coalition fédérative se transforme en parti politique officiel, lors d’un congrès tenu à Madrid du 18 AU 21 mai 2015, d’où émane la déclaration unitaire dite de Madrid, posant de strictes conditions pour son éventuelle participation aux élections de 2016 [5]. Le siège de ce parti politique au nom de CORED se situe à Paris.
Quant à la « coalition CORED » elle se déclare en association loi 1901, le 10 juin 2015, date de parution au journal officiel [6], son siège se situant aussi à Paris.
Nous avons donc aujourd’hui deux structures très différentes, un parti politique dénommé CORED dont le secrétaire général est toujours Raimundo Ela Nsang et une association appelée « coalition CORED ». Dans cette dernière nous retrouvons les deux dissidents de départ, Salomon Abeso Ndong et Filberto Ntutumu Mabale Andem, des opposants comme Severo Moto et une nébuleuse de représentants divers.
Les buts et la dynamique du parti politique CORED restent clairement établis : constituer une force politique en exil capable de se constituer en force politique en Guinée équatoriale et engager la Guinée équatoriale dans un processus démocratique non violent.
Les buts de l’association « coalition CORED » sont plus difficiles à définir, la définition du statut de l’association étant varié. Sa campagne de communication contre le régime reste très radicale. D’après les déclarations de Monsieur Salomo Abeso dans le journal de TV5 Monde, leur association a engagé une démarche juridique contre le Président Obiang, à propos de 310 crimes présumés. Une autre question semble se poser à propos des saisies de biens qui ont été effectuées en France et aux Etats-unis contre Téodoro Obiang. Ces biens devant être restitués au peuple équato-guinéen, est-ce que cela se fera par l’entremise d’associations type ONG comme l’association « coalition CORED » ? C’est en tout cas ce que semble insinuer l’Ambassadeur de Guinée équatoriale en France Monsieur Miguel Oyono Ndong Mifumu lors d’une interview au journal pro-gouvernemental « laotravoz.info », extrait :
« On apprend même que certaines d’entre elles vont jusqu’à convertir la CORED (Coalition de l’opposition pour la restauration d’un Etat démocratique en exil) une coalition politique en association apolitique. Et d’après leurs dires dans les cafés à Madrid, Paris ou Bruxelles où ils se promènent, les membres de cette organisation politique parlent déjà de la récupération de l’immeuble qui abrite les locaux de l’Ambassade à Paris. » [7] (Il s’agit ici de l’association « coalition CORED »)
Sans présumer de la véracité de ces intentions, nous laisserons Monsieur l’Ambassadeur et l’association « coalition CORED » en débattre si ils le souhaitent.
Nous pouvons en conclure à ce jour que la situation de l’opposition en exil est clairement établie, avec :
-Un parti politique s’appelant CORED et dont le parcours est resté constant et stable dans son effort depuis sa démarche fédérative.
-Une association loi 1901 dénommée « coalition CORED » qui, certes représente un ensemble de forces de l’opposition en exil, mais qui n’a pas la teneur d’un parti politique et dont le rôle a évolué au fil des mois depuis sa création.
A ce jour, réside une confusion dans la communication vers le public depuis l’acronyme CORED de ces deux entités. Pourtant avec cette perspective chronologique nous pouvons comprendre que la confusion n’est plus de mise, il serait souhaitable que chacun se présente en tant que tel lors d’interviews ou de présentation officielle concernant l’opposition équato-guinéenne en exil et ce pour une plus grande clarté auprès des auditeurs.
Par:
MiChel Solo
Rédacteur d’analyses pour GE-Inter
[1] https://www.facebook.com/JTAfrique/videos/1047826408612607/?fref=nf
[4] http://www.france-guineeequatoriale.org/deux-ex-opposants-de-la-diaspora/