Le calendrier électoral semble donc s’accélérer. Après l’annonce des résultats officiels du recensement électoral [1], le président Obiang a reçu le 9 mars 2016, en réunion préparatoire, l’ensemble des représentants de l’opposition légalisée [2]. La commission mixte (parti au pouvoir et opposition légalisée) se réunira ces prochains jours afin de déterminer officiellement la date des élections.
Cependant, suite à des informations officieuses, la date du 24 avril 2016 est d’ores et déjà annoncée, une décision unilatérale du président Obiang, annonce reprise dans plusieurs médias [3]. Ici, le président Obiang évoque des « circonstances qui obligent à accélérer les élections », cela en dépit de la consultation finale avec la commission mixte et du cadre légal de la loi fondamentale (constitution).
De quelles circonstances peut-il s’agir ?
Comme nous l’évoquions dans notre précédente analyse [4], celles-ci peuvent être de plusieurs ordres, avec comme dénominateur une date au plus près des intérêts du pouvoir dans un contexte de crise économique et sociale. Cette date pouvait donc être repoussée dans le temps ou, au contraire, avancée au mois de juin, finalement il s’agirait d’une accélération fulgurante pour le mois d’avril.
Evidemment, le premier effet de cette accélération est de prendre de court tous les mouvements d’oppositions, réduisant de façon drastique le temps de leurs campagnes électorales alors que le PDGE est en pré-campagne depuis presque un an. Le récent démêlé avec le parti CI [5] qui lors de son dernier meeting a réuni plusieurs milliers de personnes, a sans doute incité le président Obiang de circonscrire très rapidement cette possible expansion de l’opposition et surtout d’expression populaire inédite dans ce type de réunion. Plus que la consistance des partis légalisés eux-mêmes, nous voyons apparaitre une revendication d’opposition citoyenne à la faveur de ces rassemblements. Cette revendication montante pourrait prendre une forme beaucoup plus problématique pour le pouvoir si elle persistait dans une campagne électorale de plusieurs mois, c’est là toute la crainte d’un pouvoir autoritaire qui d’évidence se fragilise.
L’autre facteur concerne une pression générale sur la légalité des futures élections. Depuis le début de l’année 2015 le parti d’opposition en exil CORED a fait valoir sa « déclaration de Madrid » [6], avec des conditions strictes, pour que se prépare et se tienne des élections libres et transparentes. D’autres part et depuis la remise, au président Obiang, des lettres de créance par le nouvel Ambassadeur des Etats-Unis, celui-ci a exprimé officiellement son appui à une démarche électorale respectueuse du droit et de la démocratie. Dans ce même sens d’ouverture vers un processus soutien de libéralisation politique, l’Ambassadeur a rendu visite au CDIS ces jours derniers [7]. Déclaration et acte hautement symboliques, messages forts vers le Président Obiang, pour la suite à donner après ces presque 40 ans de pouvoir.
Nous pouvons donc comprendre qu’une double pression est entrain de monter, l’une interne et populaire, l’autre externe et concernant les relations internationales avec les nations partenaires et les partis d’opposition en exil devenus incontournables. Le bilan du président Obiang qui s’appuie essentiellement sur une longue liste d’infrastructures misent en place, ne suffit plus à estomper une réalité sociale devenue critique aujourd’hui, cet argutie ne pouvant défendre et appuyer une campagne électorale au long court : le pivot du débat actuel est donc la validité du processus démocratique lui-même.
Comment cette élection précipitée va-t-elle pouvoir se gérer ?
Un premier élément de réponse tiendra dans la façon dont les oppositions légalisées vont se comporter. La loi sur le financement des campagnes électorales prévoie une enveloppe de 400 millions CFA à chaque parti. Ces campagnes électorales vont se réduire à presque rien, dans tous les cas elles auront la dimension que le pouvoir veut bien leur accorder. Les enveloppes prévues seront-elles le prix payé pour calmer les revendications ? C’est une question que l’on peut légitimement se poser dans un tel contexte.
Quant aux oppositions en exil, ou les demandes des acteurs internationaux, il est inutile de dire que la pression montante au sujet du contrôle pour des élections libres et transparentes n’aura plus aucune chance d’aboutir, les mesures techniques sur ce point ne pouvant être prises dans un laps de temps aussi court.
Il restera, si ce calendrier se maintient, une autre question fondamentale et posée depuis plusieurs mois : quelle sera la suite de cette élection ?
Le président Obiang peut tenter de se maintenir encore plusieurs années ou envisager une passation rapide vers son fils et dauphin Téodoro Obiang. Si les éléments de réponses nous manquent pour développer, nous savons, en tout cas, que le terrain est déjà préparé pour une telle possibilité.
Aujourd’hui le temps est devenu une « arme » du pouvoir contre ses opposants, ceux-ci, pris de vitesse, devront engager une réflexion aussi rapide afin de déterminer des actions concrètes et trouver une parade adaptée.
Par:
MiChel Solo
Rédacteur d’analyses pour GE-Inter
[1] http://www.guineaecuatorialpress.com/noticia.php?id=7504
[2] http://www.guineaecuatorialpress.com/noticia.php?id=7509
[3] http://www.que.es/ultimas-noticias/sucesos/201603101331-obiang-convocara-manana-elecciones-para.html
[4] http://guineaecuatorialinter.com/fr/lenjeu-et-le-contexte-dune-election/
[5] http://coupdegueuledesamuel.blogspot.fr/2016/03/guinee-equatoriale-politique-opposition.html
[6] http://coredge.org/declaration-de-madrid/